Composé à 90% d'essence sans plomb 95 et à 10% d'éthanol, le
biocarburant E10 (ou plutôt "
agrocarburant",
selon la terminologie en vigueur) fait son entrée ce mercredi dans les
stations-services françaises. Censé contribuer à la lutte contre le
réchauffement climatique, il devrait être disponible avant la fin de
l'année dans environ 70% des 12.700 stations-service françaises. Sur
les 10 millions de véhicules qui roulent à l'essence en France, 60%
pourront l'utiliser, dont la quasi-totalité de ceux mis en circulation
depuis 2000. Et le gouvernement va
lancer un site internetavec la liste exacte des véhicules compatibles. Les ambitions affichées
sont grandes : car, devançant les objectifs européens en matière de
lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, la France
prévoit d'incorporer 7% de
biocarburantsdans les carburants fossiles d'ici 2010 contre 5,75% visés par les
autorités communautaires. Pour 2009, l'objectif est de 6,25%
d'incorporation.
Mais l'
E10 fait paradoxalement l'unanimité contre lui dans les milieux écologistes. "
Ça n'a aucun sens écologique et en plus, ce n'est pas rentable économiquement", assure
Sébastien Godinot, de l'association
Les Amis de la Terre. "
Utiliser
des plantes alimentaires pour remplir l'estomac des voitures, plutôt
que celui des Hommes ne permet pas de répondre aux dérives de
l'agriculture intensive et à la faim dans le monde", dénonce pour sa part
Sébastien Genest, président de
France Nature Environnement.
"
Une fausse solution poussée par le lobby agricole"
Les
défenseurs de l'environnement pointent en effet l'agriculture
intensive, gourmande en engrais et pesticides, à l'origine de l'éthanol
et dénoncent les fortes quantités d'eau et d'énergie nécessaires à la
fabrication et au transport de cet alcool issu de la betterave ou des
céréales. "
Pour une tonne de pétrole économisée, les agrocarburants en consomment au moins autant pour être produits", estime
Sébastien Godinot, qualifiant les
agrocarburants de "
fausse solution poussée par le lobby agricole".
"
L'impact pour l'environnement n'est même pas intéressant", abonde
Raphaël Claustres,
du Comité de Liaisons Energies renouvelables (CLER). Ce réseau
d'associations, d'entreprises et de collectivités locales milite pour
limiter les
agrocarburantsà la distribution locale d'huiles végétales pures, nécessitant moins de
transport et de transformation. Il propose en outre de promouvoir des
carburants alternatifs tels que le biogaz (fermentation de matière
organique) ou les
biocarburants de 2e génération (fabriqués à partir des déchets végétaux de l'agriculture).
Les betteraviers qui rient, les pétroliers qui grognent
La critique n'est pas nouvelle. Dans un rapport publié en juillet 2008, l'OCDE soulignait que les politiques de soutien aux
biocarburants,
très coûteuses, avaient un impact limité (de l'ordre de 1%) sur la
réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, selon
l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie, le plan
biocarburant français (comprenant le biodiesel et les autres
biocarburants)
doit permettre à la France d'économiser 6 millions de tonnes en
émissions de C02 en 2010, sur les 128 millions de tonnes que le
transport routier émet chaque année.
En première ligne pour le lancement de l'
E10,
les compagnies pétrolières ne sont pas plus enthousiastes.
L'augmentation de la part d'éthanol dans l'essence va augmenter les
excédents d'essence qu'elles ont de plus en plus de mal à exporter vers
les Etats-Unis. "
D'un point de vue strict, l'incorporation d'éthanol à l'essence n'est pas favorable au raffinage français", reconnaît ainsi
Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières. Loin de ces crispations, les betteraviers saluent au contraire un "
lancement très attendu" qui offre un nouveau débouché à leur filière, handicapée par la suppression des subventions aux exportations de sucre. "
Nous espérons devenir le leader européen de la production d'éthanol", se réjouit Alain Jeanroy, de la confédération générale des planteurs de betteraves.
D'après agences